Poésie à l'Atelier Zéro Un- Marie-José Pillet



Quelques réflexions sur la poésie en ce Printemps de la poésie 2019

Quelques artistes, Emma Malig, Inger Cathrine Winsnes, moi-même et quelques autres, habitant la rue baron Le Roy 75012 , se réunissent pour fêter à la fois la Poésie et le Printemps en illuminant les pieds d’arbre qu’ils végétalisent, en écrivant des poèmes sur le trottoir, en installant une vitrine poétique au 39 de la rue et en organisant une lecture au 31, le samedi 23 mars à 20h.

Après plus de 10 ans de soirées poétiques organisées dans mon atelier, je me pose des questions sur ce que représente ce mot : poésie. 

Dans l’Antiquité, c’était l’art suprême, inspiré par les Muses, tout en haut de la hiérarchie des arts, bien que le concept d’Art n’existait pas à l’époque mais s’appelait autrement (la technè). Au Moyen-Age, la poésie est un art chanté par les troubadours, de cour donc essentiellement. A la Renaissance, les artistes comme les architectes, les peintres et les sculptures revendiquent leur position si bien que la poésie se retrouve un peu de côté...  Et aujourd’hui, la poésie devient un art pour personne ou presque.
Au moins, depuis 20 ans, une fois par an, on a le Printemps des poètes ! Avec le temps, on s’est un peu plus approché de la poésie. Enfin je ne sais pas, au moins ça nous rapproche les uns des autres, on partage quelque chose parfois insaisissable et c’est peut-être parce que c’est indéfinissable qu’on est content.


La poésie, un art du souffle, un art du son qui vient du corps, un art avec de l’attention, une sorte de jeu à déconstruire les mots qui nous ont été utiles ou une construction de mots alignés qu’on ne comprend plus ! Les mots ne sont pas compliqués ils sont seulement combinés dans un sens inhabituel. Comme si le poète voulait nous faire tourner la tête.
Si bien qu’on aurait tendance à penser que la poésie est un art avec rien ou presque. Et même que ça ne sert à rien. Car il nous faut de la sueur, il nous faut de la douleur, il nous faut de la peur, il nous faut du plein, enfin il nous faut le mériter pour être prêt à le payer.

Je crois qu’on a une idée fausse de la poésie – à cause du souvenir plus ou moins heureux des récitations à l’école ou de l’ennui ou la préciosité que suscite un recueil de poésie. Des mots alignés comme je le disais plus haut, rangés dans un certain ordre, avec une certaine respiration ou une certaine musique et qui disent quelque chose. C’est ce quelque chose qu’on ne voit pas quelque fois, ou alors on a vu quelque chose un jour et plus rien un autre jour. C’est déroutant ! Le déroutant, voudrait dire sans chemin, pourrait alors s’appliquer à la poésie ?

La poésie de Matière en éclats se tient dans les mains du poète Martin Wable


En fait, la poésie demande une certaine attitude, une sorte de posture entre un laisser aller et une grande attention. 
Une sorte de gymnastique pour se mettre dans une écoute ouverte, pour être un capteur de pensées autres que les siennes, pour être en phase avec le poète. 
Evidemment on ne nous l’apprend pas à l’école, et si par chance, on y arrive, ça ne marche pas à tous les coups ! 
Tantôt le poème est court et on n’a pas le temps de l’apprécier ou alors, cas rarissime, on adhère comme si on l’avait écrit soi-même. Tantôt le poème est long, on en perd la moitié, en tout cas on ne sait plus de quoi il s’agit, il faut reprendre la lecture depuis le début ou plutôt non, il faut avoir le courage de laisser passer son chemin.
Et puis, ce n'est peut-être pas une affaire de longueur, mais plutôt une exigence au présent ?

Résultat, la poésie demande une grande patience, une humilité et une sorte d’ascétisme. 
L’ascétisme parce que la manifestation de joie qu’elle peut nous procurer ne déborde pas, elle reste en interne, invisible presqu’imperceptible. 
En fait, les mots qui jouent un autre rôle que celui habituel, nous mettent les choses à une autre place. Ce qui nous met à la fois dans l’incertitude et dans la force de la beauté. Quand on a la chance de le reconnaître, il n’y a pas de quoi se vanter, c’est seulement un émerveillement des choses simples, une découverte de l’évidence. 
Pour la patience, je l’ai dit, il faut y revenir plusieurs fois en des temps différents. De cela, je dirai que la patience est requise pour toute œuvre d’art parce qu’on change tous les jours en même temps que le monde est en mouvement.



En fait, je dirais que la poésie est inefficace dans le sens de la rentabilité et, elle va à contre courant du monde actuel dans le sens où elle demande du temps.
Le jour où tout le monde se réunira pour voir à la télévision une émission de poésie comme pour un match de foot, on saura que le monde a changé.
Pourtant la poésie est comme un ballon, elle se prend dans les mains dans un temps plus ou moins long et se refile à son voisin. 
Pourquoi les enfants aiment le soleil tout rond et aiment-ils jouer au ballon ? N’est-ce pas pour jouer avec le monde ? Et par là être dans le monde ?

Matière en éclats mis au mur

C’est pourquoi j’ai mis au mur toutes ces boules ! Elles sont chacune un monde et forment la matière du monde.

Ce samedi 23 mars à 20h, dans mon atelier qui est un lieu de création, je vous présente le jeune poète Martin Wable qui va nous faire une lecture de son dernier recueil Terre courte aux éditions du Cygne accompagné de Béléroots au didgeridoo. 

L’art ne chemine nulle part et vers rien. Il se déchire sans fin. Pascal Quignard L'enfant d'Ingolstadt ed. Grasset

Boules et dessins de boules mis au mur tandis que Gradiva chemine

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