Exposition Gradiva et l'absent



Pendant 15 jours à peine, mes dessins sur le personnage de Gradiva seront exposés avec les sculptures de Maya Mattei sur l'Absent. Personnages distincts qui nous a animées pendant quelques années l'une et l'autre. Nous les présentons ensemble pour que notre quête graphique, tactile et sculpturale s'interroge mutuellement.
Chantal Moya, qui connait mon travail artistique depuis longtemps (elle a écrit un article sur un de mes premiers travaux dans Textile/Art Revue en 1980), a écrit ce texte.

LA GRADIVA, 

Une jeune fille en marche, la tête légèrement détournée, dont le drapé savant met en évidence la silhouette en mouvement, le pied dressé à la verticale, dans un mouvement gracieux, presque étudié. La figure du bas relief de marbre qui se trouve maintenant au musée Chiramonti à Rome va fasciner à son tour Marie-josé Pillet et susciter de sa part une riche création plastique.

Si elle avoue ne pas s’être tellement attachée à l’œuvre de Jensen qui décrit la rencontre décisive entre La Gradiva et un jeune archéologue ramené ainsi à la vie et à l’amour, ni au commentaire de Freud à son propos, l’image de cette silhouette fugitive va l’obséder et la poursuivre. Pendant presque quatre années Marie-josé a travaillé à partir de cette figure fuyante qui l’a poursuivie obstinément et qu’elle a poursuivie à son tour.

Marie-José Pillet Apparition 2014, craie blanche sur papier, bois, matériaux divers, 60 x 170 x 4 cm

Marie-José Pillet GradivaFusain 6, 2015, fusain sur Canson, 65 x 50 cm
De là toute une quête graphique et tactile de cette figure de marcheuse qui détourne la tête vers on ne sait quel but. Elle n’apparaît que pour disparaître et son charme éveille tout un monde de représentations qui orchestrent une fantaisie graphique autour de cette image de la séduction.

Pour lui redonner consistance Marie-josé Pillet recherche la Gradiva dans son imaginaire,  la tire de l’obscurité par tâtonnements successifs, en faisant appel à des techniques et des matériaux divers, mais qui au final visent tous à donner consistance, à la jeune fille en marche, à lui donner corps dans son propre univers d’expression artistique.

Marie-José Pillet Gradiva bleue, 2016, broderie sur coton et soie, 200 x 140cm

Déclinaisons multiples d’un motif obsédant qui revient comme un leitmotiv musical. Les dessins au doigt, craie blanche sur papier noir, six petits tableaux où progressivement la Gradiva sort de l’ombre. Les dessins au fusain saisissant la silhouette en mouvement. Les taches colorées, à la manière du test de Rorschach, sur calque ici et dessinées au crayon de couleur, au graphite et à l’encre de chine, autour d’une pliure centrale,  qui évoquent le sexe féminin. Les deux panneaux textiles, le premier où la Gradiva s’avance derrière un rideau de soie brodé et dont la démarche est rehaussée de mots isolés multicolores. Le second où l’écriture brodée accompagne et souligne la même silhouette, recto verso, soie transparente bleue sur tissu opaque, verso brodé de trois tons de beige pour faire apparaître la chair du visage, des mains et des pieds, recto où les mots,  dessinent le contour de la silhouette. Peintures à l’acrylique où derrière les coulures on entrevoit une silhouette de danseuse le pied cambré. Etudes d’un détail du pied, d’un plissé, d’un mouvement. Cadres associant ces études de la Gradiva à des matières voire des objets, tissu, bois, céramique, ou figures empruntées à des tableaux de musées parisiens, trogne de Jordaens, dessin de George Sand, entre autres.

Esquisses, peintures, panneaux textiles et natures mortes finissent par s’agréger pour donner forme et substance très personnelles  à cette image intemporelle.

Marie-José Pillet RorschachGradiva II, 2014, crayons de couleur et encre sur calque et Canson, 65 x 50cm

Marie-José Pillet, Apparition (détail) 2014

Marie-José Pillet Le charriot (détail d'un triptyque), 2016, acrylique sur papier, 65 x 150 cm


Représenter pour saisir, exprimer, la séduction d’une figure féminine, la Gradiva, archétype comme La passante de Baudelaire de la beauté fascinante et insaisissable à laquelle seul l’art peut donner corps.


Une femme passa, d’une main fastueuse
Soulevant, balançant le feston et l’ourlet ;
Agile et noble, avec sa jambe de statue.
(…)

Baudelaire, À une passante,Les fleurs du mal, XCIII

Chantal MOYA
Marie-José Pillet Ligne de fuite, 2017, pierre noire sur papier, 21 x 29,7 cm

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